Les révélations de la Clapiclote

Comme il était trop tard pour se rendre le même jour chez la Clapiclote, le sansqueuenitête de Clochinette avait passé la nuit dans la famille castor. On l’avait installé dans la salle de bains, entre un savon de Marseille et un flacon de shampooing parfumé à l’œillet, et, le lendemain matin, il avait grossi de moitié.

Le sansqueuenitête grimpa sur l’épaule de Clochinette pour qui il éprouvait, de toute évidence, une tendresse extrême, et l’on s’achemina une fois de plus vers la clairière du Cerf Intrépide.

Fort de l’expérience de la visite précédente, (la Clapiclote n’avait point paru s’intéresser outre mesure aux boutons de culotte de Croquosel : sans doute en avait-elle déjà chez elle une suffisante provision…) le jeune garçon n’avait pas cru nécessaire, cette fois, d’additionner ceinture et bretelles…

La Clapiclote passait toujours l’aspirateur aux accents de « Compère Guilleri » : à croire qu’elle n’avait fait que ça depuis leur départ !

À la vue du sansqueuenitête, elle versa des larmes de joie, et, dans un élan d’émotion, serra Clochinette sur son cœur. Elle se dépêcha d’aller installer le jeune sansqueuenitête dans le sous-sol, et les visiteurs apprirent enfin pourquoi elle avait autant besoin d’un sansqueuenitête :

La maison était absolument infestée de cloportes !… ils ne sortaient que la nuit, mais c’était épouvantable !

La malheureuse Clapiclote avait tout essayé : toutes les espèces possibles de pièges-à-cloportes y étaient passées. Elle avait même tenté de les appâter avec de la sauce-ravigote-aux-petits-oignons. (Nul n’ignore que tout cloporte normalement constitué raffole de sauce ravigote-aux-petits-oignons…)

Sans résultat !

Les cloportes grimpaient partout ! La Clapiclote en retrouvait dans ses pantoufles, sur la descente de lit, et même – ô scandale ! – dans son bonnet de nuit :

C’était infiniment désagréable !

C’est alors qu’elle avait commencé à désirer un sansqueuenitête…

La Clapiclote posa le sansqueuenitête sur le ciment du sous-sol ; il regarda autour de lui, promena sa trompe de tous côtés, renifla vigoureusement. Lorsqu’il eut reconnu l’odeur si caractéristique de cloporte, il diminua d’un seul coup de moitié ; il était visiblement déprimé.

Cependant ses oreilles en feuilles de chou claquaient atrocement et – juste après le troisième claquement – on vit (miracle !) tous les cloportes sortir des trous : ils marchaient en rangs serrés, par deux et à la queue-leu-leu.

Il y en avait tellement que cela dura très longtemps.

Ils sortirent par divisions, par régiments, par bataillons, par escadrons, par sections et par pelotons. Par séquelles et par ribambelles.

Ils couraient si vite que plusieurs cloportes en perdirent leur pantalon ou leurs chaussons, et quand la Clapiclote eût vu, de ses yeux vu, le dernier cloporte pénétrer dans le buisson de la forêt, elle en rosit.

La Clapiclote vaporisa ensuite de l’eau de Cologne dans le sous-sol, et l’on put voir le sansqueuenitête dodeliner doucement des oreilles et redevenir rond comme un ballon. Il s’endormit de satisfaction.

On pouvait enfin parler d’Ultimatum !

Croquosel, prévenant, avait apporté trois Thermos de chocolat ; mais il n’en fallut pas tant :

« Eh pardié oui ! qui don’… » commença la Clapiclote.

Mais elle s’interrompit pour ajouter :

— Vot’chat, vot’chat, eh ben, je l’on ben vu, à la fin de novembre… oui, dame. L’a même couché deux nuits ici… Seulement i pouvions point le garder : pensez, un chat qu’a avalé le printemps, c’est qu’l’est ben gênant !…

Clochinette regarda Paméla.

C’était donc ça !

« Les liserons grimpaient dans ma cheminée, et les primevères poussaient sur le frigidaire ! Y avait même des abricotiers dans ma chambre à coucher, plein de capucines dans ma cuisine, et des achillées-mille-feuilles sur tous mes fauteuils !

Jusqu’à mon salon qu’était plein de papillons ! Et c’est pas tout :

L’pire, eh ben c’est quand j’ai trouvé des « fleurs-du-seigneur » sur mon aspirateur ! Mais c’est que ça pouvait ben l’empêcher de marcher ! »

Croquosel prit un air sévère.

— Eh ! tiens dame – dit la Clapiclote – chacun voit midi à son clocher ; les conseilleurs ne sont pas les payeurs ; et à qui est l’âne, le tienne par la queue !

Clochinette ne comprenait pas très bien, mais Croquosel bouillait !…

— Et pis, un chat « que l’était même point poli ! Dame non ! C’est qu’i s’entendait point avec le septième siamois ; et i m’demandait du saumon quand j’i donnais des arêtes, l’malappris !

— Et pis – termina-t-elle, en voyant que les enfants n’avaient pas encore l’air convaincus – c’est que j’aurais pu avoir des ennuis ! Vous avez ben lu les journaux ? Vous voyez un peu ça, des gendarmes chez moi ! La tranquillité est le lait de la vieillesse savez-vous ben…

Il y eut un silence pénible.

— Enfin, demanda Paméla – très froidement, et après un temps d’hésitation – vous pouvez peut-être nous dire où il est parti ?

— Ah ! pour ça, dame oui – s’empressa la Clapiclote, soulagée de voir qu’ils ne prenaient pas la chose plus mal – quand j’ai vu qu’l’était poursuivi par la police, ben j’i ai dit « allez don’ vouer sur la planète Mars si j’y suis : v’s y serez censément, comme qui dirait, plus tranquille ! »… Dame, l’est parti sur-le-champ : bon voyage et bon vent !

Au mot « Mars », Croquosel avait dressé l’oreille, et ses yeux s’étaient arrondis ; Salamalec avait bien failli demander comment Ultimatum avait fait pour aller sur Mars… Mais il se rappela à temps qu’Ultimatum était un chat magique…

Seulement voilà : Croquosel ignorait tout à fait comment il était parti de Mars !

Clochinette et Paméla n’étaient pas des petites filles-castor magiques.

Hildephonse Salamalec et Agathe Chèvrefeuille n’étaient ni un gnome magique ni une chèvre magique.

Comment aller chercher Ultimatum sur Mars ?

Le chat de Simulombula
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